PÉRIGNAC : LÉGENDE D'ARKARA

C’est flambeaux à la main que les habitants du plateau accourent à la cité détruite. Il fait si noir à présent qu’il vaudrait peut-être mieux pour eux d’en voir le moins possible dans cet amas de verre fondu. Ils pressent tout de même la trentaine de survivants à les accompagner vers leur petit village où tout est déjà mis en branle pour leur venir en aide. Il fait très froid dès que la colonne de marcheurs s’éloigne des décombres. Des cris désespérés déchirent la nuit et des enfants réclament leur mère, leur père, leurs frères et sœurs qui font malheureusement partie des victimes. Lemu marche péniblement en pleurant. Il n’hésite pas à dire à son élève qu’il n’est plus certain si toutes les épreuves que subissent les fautifs parviendront à les affranchir de la bêtise. Ils ont connu un monde merveilleux sans qu’ils sachent l’apprécier à sa juste valeur et malgré leur misère dans cette cité de malheurs, cela n’a même pas servi de leçons. En ce qui les concernent, il sait que sa véritable mission sera de veiller sur eux quoi qu’ils fassent lorsqu’ils devront s’incarner sur Terre. Il avoue ensuite que son pauvre corps est si épuisé qu’il refuse d’aller plus loin. Au même instant, le vieil homme s’écroule sur le sol. Son élève alarmé réalise que son maître est agonisant et le saisit dans ses bras pour le porter rapidement devant la première maison qu’il rencontre en entrant au village. Il est alors accueilli par Anak puisque le jeune Adep vient de se présenter à la porte de la maison d’Adamas. Le jumeau juge rapidement la situation et aide le visiteur à déposer Lemu sur un lit qui ressemble étrangement à un gros berceau comme toutes les couchettes du village. Le petit berceau de Kana a servi pour ainsi dire de modèle pour ce premier mobilier servant à dormir. Adamas et Gracia regardent Adep en secouant tristement la tête. Ils ne peuvent rien faire d’autre que tenir la main du mourant. Alors Lemu qui respire difficilement demande à voir Kana. Adamas lui répond qu’il ne sait pas où celui-ci se trouve sinon que son fils est quelque part au village et qu’il aide les survivants à se faire des feux. Anak lui, vient à peine d’y contribuer en abattant des granges pour tenter de fournir du bois aux villageois. Il est exténué sauf que son père le presse d’aller chercher son frère au plus vite car le Grand-Prêtre Lemu se meurt. Anak sort de la maison et voit Kana un peu plus loin réaliser rapidement des feux en imposant uniquement les mains au-dessus du sol. Des survivants s’agenouillent devant lui pour lui demander pardon d’avoir douté de ses prédictions mais le pauvre jeune homme qu’on appelle à présent « prophète Kana » se sent totalement incapable de juger ceux qui l’ont jadis couvert d’injures et de ridicule. Anak ne sait plus s’il doit obéir à son père ou bien laisser son frère poursuivre son travail auprès de ceux qui ont vraiment peur de l’obscurité. Le pauvre jumeau de Kana est tellement bouleversé par les événements qu’il prouve à quel point son jugement est défaillant lorsqu’il décide plutôt d’aller donner de la moulée aux buffles. Il se dit que ces bêtes doivent avoir faim mais lorsqu’il tente de verser de la nourriture dans une cuve, l’un des buffles lui suggère d’aller plutôt aider les autres humains car il n’a pas besoin de lui pour se nourrir. Anak s’éloigne tristement en se disant que même les bêtes se débrouillent sans son aide. Kana accomplit plus vite en quelques minutes ce que lui-même fut incapable de faire en plusieurs heures. À quoi cela lui aura donc servi de détruire des granges si son jumeau peut faire brûler un feu sans bois? Anak va s’écraser mollement sous un arbre et pleure en s’imaginant être vraiment inutile en ce monde.

Un enfant vient avertir Kana que sa licorne est étendue sur le sol et qu’elle respire à peine. Le jeune prophète ignore que sa jolie monture fantastique a besoin de lumière pour vivre. Elle est Luminatisienne et de ce fait, va mourir dans la noirceur de cette vallée devenue aussi lugubre qu’à l’époque du monstre Baa-Bouk. Anima ouvre difficilement les yeux pour tenter de sourire à celui qu’elle voit pleurer agenouillé près d’elle. Elle lui dit qu’elle veut voir Anak. Son ancien cavalier n’y comprend rien sauf qu’il se relève rapidement pour supplier des témoins de l’aider à retrouver son frère. Étrangement, juste après le départ de son jumeau, Anak découvre la pauvre licorne et s’empresse de s’agenouiller pour lui caresser la joue. Anima lui demande deux baisers d’adieu, soit le sien et celui de son frère avant de mourir. Une étrange lueur semble créer un effet bénéfique sur Anima comme si cette lumière lui redonnait de la vitalité. Anak est surpris de réaliser que cette clarté provient de la jolie pierre précieuse qu’il porte à son cou depuis la fête de l’Abondance. Il la sort de la petite poche pour ensuite l’examiner au creux de sa main. Le joyau projette tellement d’éclat que le jumeau semble baigner dans un rayon de soleil qui pourtant, ne l’aveugle pas. Anak remarque aussitôt une petite planète à l’intérieur de sa pierre unique. Puis en la fixant encore, il voit le joli Cœur royal juché sur sa pyramide en or. Il sait qu’il est le maître de ce monde presque microscopique sauf qu’il n’éprouve pas cette soif de pouvoir et préfère introduire son trésor dans la gueule de la licorne dès qu’il devine par intuition qu’elle a besoin de lumière pour vivre.

Puis, le miracle s’accomplit lorsque le jumeau se relève pour sourire à la licorne qui ne tarde pas à se dresser sur ses pattes. Elle bat majestueusement des ailes en poursuivant sa métamorphose puisqu’elle devient entièrement transparente. Lorsque Kana revient finalement en compagnie d’une petite foule qui le suit comme son ombre, il ignore ce qui vient de se passer jusqu’au moment où son frère lui sourit en disant qu’il a nourrit Anima avec sa pierre précieuse. Vraiment ému, son jumeau se jette aussitôt dans ses bras en pleurant de joie. Les nombreux témoins sont fascinés par la beauté d’Anima ce qui n’empêche pas un enfant de demander à sa mère s’il est vrai que la licorne est méchante? Celle-ci lui répond que la véritable méchanceté fut de douter de la pureté de cette licorne. Évidemment, les survivants se sentent vraiment honteux d’avoir jugé Anima en se fiant uniquement aux allégations des dirigeants de l’ancienne cité. La licorne dit qu’elle doit partir afin de semer la pierre précieuse dans une nouvelle dimension. Grâce à la générosité d’Anak, une nouvelle planète prendra désormais naissance pour y accueillir les Arkariens. Kana est heureux même s’il sait qu’il ne reverra peut-être jamais plus sa jolie accompagnatrice. Elle est vivante et encore plus utile dans l’autre dimension qu’auprès de lui.

Anak se rappelle la demande de son père et presse son frère en souhaitant qu’il n’arrivera pas trop tard pour parler à Lemu qui désirait le voir avant de mourir. Les jumeaux sont étonnés de découvrir le vieil homme assis sur son lit et discuter avec leurs parents et le jeune Adep. Lemu tend alors les bras en disant joyeusement qu’il ne s’est pas trompé en confiant la petite pierre à Anak puisqu’il est ce genre d’âme à sacrifier le pouvoir pour le bonheur des Arkariens. En disant cela, le Grand-Prêtre disparaît et le jeune Maître du destin se retrouve assis à sa place. Adamas, Gracia, Adep et les jumeaux s’empressent de venir s’agenouiller respectueusement devant lui puisque ce personnage les incite naturellement à se prosterner devant lui, même si cela n’a jamais été imposé par celui-ci. Il leur sourit en disant que Lemu est déjà devenu un Grand-Maître lumineux qui veillera toujours sur eux. Puis, il invite Kana à s’approcher. Il place à son cou un collier magique en disant que Lemu portait toujours celui-ci sous sa robe. Ce rubis en forme de « S » symbolise le bon serpent. Son pouvoir est tellement grandiose qu’il permet à son utilisateur de converser directement avec Absou, le Grand-Maître du feu originel. Kana devra se servir de son collier uniquement s’il croit indispensable de connaître les volontés d’Absou. Puis, Manuel impose les mains au-dessus de la tête du jeune élève accompagnateur et lui demande ensuite s’il accepte de remplacer Lemu auprès des fautifs. Des larmes de joie s’écoulent aussitôt sur ses joues et cela suffit amplement comme réponse. Alors, Manuel lui remet la canne de son ancien Maître comme gage de confiance car le Maître vient de lui prouver par ce geste qu’il le considère déjà comme le successeur de Lemu. Finalement, il invite Anak à s’approcher et lui offre alors de devenir missionnaire comme son frère. Le jumeau n’hésite pas à lui demander s’il est vrai qu’il deviendra un jour le jumeau de Mercéür? Cette question fait sourire Kana comme s’il devinait le futur de celui-ci. Manuel répond qu’il aura une mission sur Terre en tant que jumeau de Kana, et ensuite comme celui de Mercéür ce qui répond clairement à sa question. Le Maître ajoute qu’il connaît son plus profond désir et c’est pour cela qu’Anima viendra le chercher elle-même au moment de sa mort pour le reconduire sur la nouvelle Arkara. Il précise que si Kana fût le cavalier de la licorne fantastique sur l’ancienne planète, c’est Anak qui la chevauchera sur la nouvelle. Ainsi, il aura été juste envers les jumeaux. Il n’en dit pas davantage. Il regarde ensuite Adamas et Gracia en disant qu’il peut leur accorder le droit de revenir à Atlantis s’ils le désirent vraiment. Gracia lui répond timidement que ses voisins aiment tellement ses chaussettes qu’elle ne voudrait pas qu’ils en manquent lorsqu’ils seront sur Terre. Puis son époux ajoute qu’il fabrique d’excellents outils pour ses voisins fautifs comme lui. Alors Manuel sourit à son tour en disant qu’ils forment un si beau couple qu’ils vont toujours demeurer unis que se soit sur Terre ou sur la nouvelle planète. Adamas et Gracia se prennent la main en s’avouant mutuellement que de toutes manières, ils auront besoin de plusieurs vies pour apprendre à se connaître un peu plus. Leur décision est prise : ils veulent suivre le même chemin difficile que les autres fautifs et si le feu Amour le veut, ils espèrent le faire en demeurant toujours mari et épouse. Manuel impose ses mains au-dessus d’eux en disant qu’il en sera toujours ainsi. Puis, il se lève et se dirige vers la fenêtre pour examiner les dernières lueurs de la cité détruite et déclare ensuite au nouveau Grand-Prêtre Adep, que cette cité est morte le jour où les fautifs ont commencé à s’exploiter entre eux sans tenir pour acquis que les véritables valeurs se trouvent dans les êtres et non dans les choses. Le Maître du destin disparaît ensuite, et Adep sait que c’est cela qu’il devra tenter d’inculquer aux fautifs.

Bientôt, deux spirales passent au-dessus du plateau avant d’aller se poser dans un champ. Les fautifs sont persuadés que ces deux vaisseaux viennent les chercher pour les ramener dans le canton d’Atlantis. Ils rejoignent ces navires avec un cœur plein d’espérance et accueillent en véritables sauveurs les trois mutants. Pourtant, Dorgon, Bylis et Polar ont l’air si attristés que cela suffit à faire fondre la joie dans les yeux des survivants. Dorgon leur apprend qu’une large faille est apparue ce matin pour y engloutir une grande partie des vergers. Selon lui, la planète va disparaître dans un proche avenir sauf que les habitants pourront la quitter avant la fin du monde. Le mutant ne précise pas comment cela se fera puisqu’il ne veut pas les alarmer. Les trois navires sont remplis d’articles et même de jouets pour les enfants. Il faut les vider car ils auront besoin de couvertures, d’outils et de nourriture pour débuter une nouvelle vie sur Terre. Les fautifs se regardent entre eux d’un air étonné; la majorité n’ayant aucune idée de l’endroit où se trouve la Terre et surtout si elle ressemble à leur planète. Ils regrettent un peu de ne pas s’être davantage intéressés à cette planète au moment où on en parlait. Ils font tout de même ce que leur demande Dorgon et pendant qu’ils dévalisent littéralement les navires, celui-ci s’entretient avec les jumeaux. Ceux-ci sont tellement heureux de le revoir qu’ils l’enlacent chaleureusement. Dorgon place sa patte d’aigle sur l’épaule de Kana et sa main humaine sur celle d’Anak pour ensuite fixer le firmament en disant qu’il n’existe pas de véritables frontières entre la vie et la mort et que même le temps qui passe ne peut empêcher ceux qui s’aiment, de se retrouver un jour ou l’autre. Il ajoute qu’ils se reverront quoi qu’il arrive. Kana lui demande s’il peut s’attendre à revoir Osis un jour et le Maître protecteur lui jure que non seulement cela arrivera un jour, mais qu’Osis lui donnera régulièrement l’eau de la fontaine magique qui prolonge la vie. Kana sourit sans poser d’autres questions. Le mutant demande ironiquement à Anak s’il aimait le gros coffre sur roues qui se trouvait dans sa hutte? Le jumeau lui répond qu’il aimerait bien hériter de celui-ci. Dorgon rit de bon cœur en répondant qu’il est inutile de lui offrir ce qu’il va lui-même construire un jour. En réalité, ce coffre est le sien puisque c’est Primus Tasal qui lui a fait traverser le temps pour qu’il se retrouve finalement dans la hutte de Dorgon. Anak vivra dans une grotte comme un ermite. Un jour, les Grands-Maîtres lumineux lui confieront un miroir tellement précieux qu’il faudra lui trouver un endroit convenable pour le cacher aux envieux. C’est pour cela qu’il devra construire ce coffre majestueux.

Dorgon et ses deux compagnons repartent non pas vers Atlantis mais plutôt sur leur planète natale afin d’y rétablir l’ordre. Il est inutile de demeurer plus longtemps sur Arkara et c’est pour cela que le Maître du destin et le Cœur royal ont insisté pour que les mutants retournent chez eux où déjà trop de victimes servent à nourrir les dirigeants reptiliens. Après leur départ, les fautifs se retrouvent tristement devant leurs petits feux ce qui ne les empêchent pas de grelotter sous leurs couvertures. Tout à coup, une douce mélodie se fait entendre dans le noir, puis une lueur apparaît au loin. Primus Tasal tient un flambeau olympique qu’il a subtilisé quelque part en Grèce et marche toujours sur sa jolie planète miniature. Il salue tous et chacun en disant : « Bonjour à toi, qui que tu sois! » Sa présence réconforte les survivants et personne n’est surpris d’apprendre que celui-ci va les conduire sur sa planète chérie. Primus leur demande de ne rien oublier et surtout de se tenir par la main pour éviter de se perdre dans le noir. Un buffle amusé lui explique gentiment que les animaux n’ont pas de mains. Cela fait rire le guide et les fautifs. L’autre lui répond du tact au tact de se servir plutôt de son odorat pour suivre le cortège. Les buffles transportent les gros articles en se disant que les fautifs sont déjà assez éprouvés sans les obliger en plus à porter une charge sur leurs épaules. Le singe guide les futurs Terriens dans l’ancienne grotte de Baa-Bouk. Les survivants pénètrent bientôt dans une galerie sans réaliser qu’ils viennent de traverser une faille intemporelle. Le plus étrange, c’est qu’ils sortent par une autre grotte qui se trouve sur Terre. Ils découvrent pour la première fois de leur vie, le magnifique soleil et le sable chaud d’une immense plage sur laquelle viennent s’échouer d’énormes vagues. Les témoins sont fascinés par l’immensité de l’océan. Primus leur dit que le nom de leur nouvelle patrie est appelée « Ô » par les indigènes qui vivent de l’autre côté de la presqu’île. Mais pour les immigrants de ce nouveau monde, elle s’appellera « Atlantide. » Ainsi, ils se souviendront longtemps de leur canton d’Atlantis. Ici, ils ne seront plus des fautifs, mais des Atlantes.

Sur Arkara, le sol tremble de nouveau de partout. Les Paysans sont effrayés et les enfants pleurent en voyant des maisons s’écrouler. Les Grands-Prêtres, les conteurs, les Croucounains et les géants rassemblent le peuple devant la grande pyramide et tentent de faire comprendre aux apeurés que tout va bien se passer pour eux pendant ce long voyage vers l’autre dimension. Cela n’est pas facile de trouver les mots qui sauront calmer les esprits dans cette circonstance où chacun réalise qu’il vient d’arriver devant la porte de la mort. Gerbin, l’ancien contremaître de la carrière obtient d’un buffle la permission de monter sur son dos et s’adresse alors à la foule. Il demande si quelqu’un peut lui indiquer où se trouve le passage qui conduit au merveilleux village de l’Abondance? Il sourit en ajoutant qu’il est convaincu que tous les enfants et adultes de cette planète ont sûrement tenté de le découvrir un jour ou l’autre. Gerbin veut accompagner les mourants en se servant de l’exemple du corridor mystérieux que le peuple emprunte à chaque année pour traverser au village magique.

Pourquoi faudrait-il craindre à présent le couloir inconnu qui les conduira dans un monde aussi beau que ce fantastique village? Ne vaut-il pas mieux souhaiter qu’il apparaisse au plus vite pour en finir avec leur planète qui se fend de partout? Les Grands-Prêtres saisissent l’occasion pour faire apparaître un tunnel à travers la pyramide et Gerbin demande au peuple de se préparer à la fête en formant ce long cortège qui devra tenir compte des plus petits allant aux plus grands. Les insectes et les petits animaux se placent au premier rang, suivis par les Croucounains, les enfants, les Paysans, les plus gros animaux et les Connients qui ferment le cortège. Les Grands-Prêtres jouent de la flûte pour donner le grand signal du départ. Au même instant, le Maître du destin place son doigt sur le mot « vivant » représenté sur la page de son livre par un point final. Le Cœur royal cesse alors de tourner et tous les cœurs sur sa planète cessent de battre en même temps. Cela se fait si vite que lorsque les Arkariens pénètrent dans le couloir mystérieux, ils ne remarquent même pas leurs enveloppes corporelles éparpillées sur le sol. Alors Manuel déchire la page de l’ancienne Arkara et aussitôt après, la planète se retrouve en mille morceaux.

LA VIE EST UN GRAND LIVRE SANS MYSTÈRE QUE L’HOMME TENTE D’EXPLIQUER PAR SA TABLE DES MATIÈRES

Deuxième partie

L’instant d’après, les Arkariens traversent le tunnel de la mort et débouchent dans l’univers. Toutes les Entités sont fascinées par ce monde rempli de lumière et de sons provenant de tout ce qui tourne et se déplace dans l’espace. Une autre idée de Gerbin va rendre la traversée vers l’autre dimension encore plus agréable puisqu’il suggère au peuple de penser à des jolies licornes fantastiques comme celle de Kana. Aussitôt, ce désir devient collectif et des milliers de chevaux ailés apparaissent dans ce champ étoilé et les âmes heureuses aimeraient tant voyager sur leur dos et puis s’en approchent avec tellement de douceur et d’espoir que les bêtes décident de se laisser apprivoiser. Les Paysans, les Connients, les Croucounains et les Grands-Prêtres mêmes, forment le plus beau cortège céleste de tous les temps. Les insectes voyagent sur les épaules des cavaliers et les animaux courent fièrement aux côtés des licornes transparentes. Mais la véritable et unique Anima se trouve beaucoup plus loin dans un jardin d’étoiles où elle vient de semer la pierre du jumeau Anak. La graine magique pousse tellement vite que la licorne s’éloigne juste à temps pour voir jaillir la planète et prendre son orbite autour d’un astre qui ressemble étrangement au soleil. En réalité, le Maître du destin a choisi de recréer Arkara dans un monde parallèle identique à la voie lactée. De cette façon, les Arkariens pourront regarder le système solaire et surtout la planète Terre sur laquelle vivent à présent les fautifs ; ainsi, il sera impossible pour eux d’oublier ceux qui partagèrent leur quotidien pendant si longtemps. Toutefois, Arkara demeurera invisible pour les Terriens qui ne possèdent pas encore cette faculté extra sensorielle de voir ce qui se trouve dans l’autre dimension. Cela est vraiment dommage puisqu’ils ne peuvent remarquer la jolie amande lumineuse à travers ce voile invisible qui divise les deux mondes. Même Chronos, le Maître du temps, est incapable de regarder au-delà des apparences. Arkara ne deviendra visible et accessible que le jour où les scientifiques terriens trouveront le moyen de faire le transfert de la matière de leur dimension vers le monde parallèle. Celui-ci est également appelé Intemporel ou « Univers parallèle. » En attendant ce jour, ils ignorent que l’invisible est aussi meublé que le visible, et surtout qu’il suffirait même de si peu pour traverser d’une dimension à une autre. C’est uniquement une question de vibration magnétique qui maintient le gouffre entre les mondes.

Les Entités arkariennes se retrouvent déjà sur leur nouvelle planète sauf qu’elles ne comprennent pas vraiment ce qui arrive au moment où elles s’incarnent dans leur corps endormi devant la tour Royale. En réalité, il s’agit de nouveaux corps tout à fait identiques à ceux qui ont été détruits avec l’ancienne planète. Les Grands-Prêtres très savants, savent comment expliquer au peuple que ce joli voyage s’est uniquement déroulé dans ce sommeil temporaire de la mort. Le repos éternel ne dure finalement que le temps de cette transition entre un départ et une arrivée. On quitte avec la mort pour renaître à la Vie. Il s’agit d’un cycle universel où la vie et la mort en sont le mouvement perpétuel. Les enfants regardent d’un air étonné leur village qui ne s’écroule plus et ceux qui visitent les vergers réalisent qu’ils sont toujours aussi magnifiques qu’autrefois. Car il faut préciser qu’il leur faut un certain temps avant de réaliser qu’ils vivent à présent sur une toute nouvelle planète bien qu’elle soit à l’image de celle qu’ils ont quittée avant l’effondrement. Par contre, elle n’est plus ce qu’elle était exactement. Premièrement, le Cœur royal demeure divisé en deux parties afin d’éclairer le canton d’Atlantis et l’ancienne vallée noire qui s’appelle à présent Vaurec en mémoire de ce cerf blanc qui préféra mourir plutôt que de se laisser mettre en cage. Puis, les montagnes de fer sont recouvertes de végétation et ne dégagent plus d’énergies négatives comme autrefois. De plus, là où se trouvait le passage entre les deux cantons on découvre une large allée paisible bordée d’arbres longeant le parcours. Les anciens marais ainsi que les dragons qui vivaient à l’époque en face des volcans, se trouvent à présent dans le canton de Vaurec. Évidemment, les volcans sont éteints et forment une jolie chaîne de montagnes où y habitent des oiseaux de toutes espèces. Tout ce qui reste des anciens marécages est un crâne de dinosaure et plus loin, un superbe tombeau où s’y trouvent les cendres de Barbouille, le petit dresseur de dragons. L’endroit s’est transformé en un superbe parc où les Arkariens aiment y flâner et étudier depuis qu’ils portent désormais intérêt à toutes sortes de sciences.

L’endroit le plus spectaculaire demeure l’ancien enclos de Baa-Bouk qui est devenu un lac salé ayant une longueur de soixante kilomètres et trente de large. Devant l’une des rives se dresse un immense monument représentant les deux monstres en plein combat dans un duel qui mit finalement un terme à la vie de Baa-Bouk. Ce lac s’appelle simplement Baa-Belle, justement en mémoire de cette héroïque Belle-Chimo qui donna sa vie pour vaincre Baa-Bouk. Selon les Croucounains, les deux monstres se trouvent toujours ensevelis quelque part dans l’ancienne grotte de la bête noire aujourd’hui entièrement submergée par les eaux salées. Ce sel accumulé un peu partout par Baa-Bouk au cours des millénaires est cet agent responsable qui rend l’eau du lac complètement imbuvable pour le peuple. Plusieurs visiteurs des lieux sont toutefois déroutés par l’étrange inscription gravée à la base du monument écrite par Phardate à la demande du Maître du destin :

Le fils de la Mère Lumière rapportera la fleur merveilleuse
Et se montrera au peuple qui ne le reconnaîtra pas
Il témoignera en faveur de la rose lumineuse
Et de son sang noir, une lumière sortira


Certains y voient une allusion au Cœur royal alors que les Grands-Prêtres savent qu’il s’agit de Ba-Fon, l’Enfant de la Lumière. Il ne tardera pas à sortir de la tête de Baa-Bouk dès que le temps sera venu pour lui de naître.

Même si la nouvelle planète est éternelle, le Maître du destin refuse de laisser un Arkarien vivre plus de deux cents ans. Cela est amplement suffisant pour accomplir une vie sur Arkara. Puis, le jour et la nuit existeront comme sur la Terre et le temps sera même comptabilisé de la même manière que sur cette planète puisque Primus Tasal a offert une grosse horloge grand-père à son ami Phardate. Le Cœur fantastique a tenu compte des anciens fautifs qui reviendront un jour dans leur canton natal et seront moins dépaysés s’ils peuvent calculer le temps de la même manière que sur la Terre. Donc, le Souverain a ajusté sa rotation quotidienne de façon à imiter le jour terrestre. Les Arkariens sont amusés par les jolies montres, cadrans et horloges que fabriquent les Croucounains qui expliquent également comment s’en servir. Dorénavant le nouvel Arkarien devra dormir la nuit et donc éprouver, par la même occasion, cette sensation de fatigue s’il ne sait pas contrôler le débit de ses activités quotidiennes en conséquence.

Le soir, la noirceur permet d’admirer le firmament et c’est surtout une belle occasion pour le peuple de se rassembler sur les collines où les conteurs leur racontent des histoires. Ceux-ci ont surtout comme mission de ne jamais permettre à leur auditoire, d’oublier l’histoire de leur ancienne planète. Avec les nouvelles générations, il sera primordial pour elles de connaître leurs racines ancestrales. Pour l’instant, le peuple ignore toujours que leurs anciens frères déportés vivent déjà sur la Terre. Étrangement, certains enfants déjà plus intuitifs que leurs aînés, fixent cette jolie planète en affirmant qu’ils la visiteront sûrement un jour. Phardate lui a donné le surnom de 3-B, la Belle Bille Bleue de l’autre dimension.

En somme, il existe à présent un lien volontaire entre le monde du Maître du destin, et celui des Terriens car celui-ci désire un rapprochement avec cette planète. Il n’oublie pas ses enfants dont certains auront a y vivre leur mission, mais la raison principale est de mettre un terme à l’odeur de la Bête laissée sur Terre par Baa-Bouk. Il faut dire que bien que la bête n’existe plus dans sa forme physique, son plus grand représentant, Alba, vit maintenant lui aussi en Atlantide. En effet, ce sale hypocrite n’a pas hésité à laisser croire aux survivants de l’ancienne cité de verre, qu’il avait malheureusement perdu la raison au point de laisser Myotis détruire la Cité. En fait, personne ne se doute encore que ce dernier a la ferme intention de devenir le Maître le plus puissant de la Terre. Celui-ci a vite constaté que les Terriens sont loin d’être protégés par des Maîtres comme sur Arkara. Ainsi, il croit qu’il aura beaucoup plus de liberté pour agir sur Terre. Kana, de son côté, tentera tout au long de sa longue vie de retrouver les âmes arkariennes incarnées partout sur cette planète depuis la destruction de la Cité. Finalement, Manuel se sent inconfortable à l’idée que son frère Perlin est responsable d’avoir rendu Alba immortel. Il devra donc essayer de réparer ses torts qu’il soit ou non responsable de cette situation, étant donné l’état d’amnésie de son frère. Il y a également Primus Tasal qui aura besoin d’aide pour recréer un jour un monde meilleur. Il sait que cela arrivera un jour lorsque les Terriens ne seront plus soumis aux divers systèmes de la dictature politique ou économique. Le petit singe ne vit que pour ce moment où la Terre deviendra un véritable paradis. Il le sait, il l’a vu dans un lointain futur, alors il n’en doute pas. Pour lui, l’Humanité finira par enfanter l’enfant de la Liberté et de l’adulte mature; ce n’est qu’une question de temps.

Les enfants de la nouvelle planète ne possèdent plus leur étoile comme autrefois car ils n’ont plus à se protéger contre la secte d’Alba. Les seuls qui pourraient se plaindre de l’absence de ces jolies étoiles infantiles sont évidemment les parents qui ne peuvent plus les suivre aussi facilement. Par contre, leurs petits chéris doivent désormais se résoudre à fréquenter des classes qui n’ont rien en commun avec les institutions d’enseignement sur Terre. Ils jouent à visiter les sept petits villages conçus spécialement pour eux. Dans chacun se trouvent différents thèmes de jeux qui leur permettront de développer leurs talents naturels pour le calcul, la lecture, la musique, le travail manuel, le sport d’équipe et les sciences. Par exemple, dans le premier, les enfants apprendront à jouer aux pionniers. Ils doivent ainsi se confectionner des vêtements, créer des outils, construire différentes habitations allant de simples maisonnettes jusqu’à des petites pyramides. Ils doivent apprendre pourquoi certains animaux peuvent parfois se montrer agressifs envers leurs pairs et les humains. Pour cela, rien de mieux que des leçons données par les animaux eux-mêmes. Ceux-ci leur expliquent la différence entre leur nature, leurs mœurs, leur force et leur faiblesse et disent dans quelles circonstances les humains et les animaux peuvent en venir à se craindre mutuellement. Dans un autre village, les étudiants devront apprendre à faire pousser toutes sortes de fleurs, de plantes et d’arbres simplement en leur parlant. S’ils peuvent identifier correctement une fleur et expliquer pourquoi celle-ci est d’une couleur particulière et la raison pour laquelle elle aime pousser à un endroit plutôt qu’à un autre, elle se mettra alors à pousser miraculeusement. Dans le troisième village, les enfants n’auront pas le droit de parler, ni même de chuchoter. Ils devront apprendre à communiquer entre eux par des gestes, un regard et même le toucher. Puis, on leur enseignera des lettres qui formeront ensuite des mots qu’ils pourront alors mêler à leur étrange langage. Comme les jeunes Arkariens sont de véritables petites pies naturelles, ils apprennent très rapidement à lire et à écrire.

Puis dans le quatrième village, ils apprendront par des récits, toutes définitions mathématiques plus ou moins exactes comme celle qui veut qu’un objet plus gros doit logiquement être plus lourd qu’un autre plus petit. Encore aussi, l’arbre au bout du chemin est plus petit que celui qui se trouve plus près de nous. Les enfants doivent développer par des jeux, des théories à partir de ces observations erronées en mesurant des distances, des hauteurs et des largeurs, l’épaisseur, le poids et le volume de certains objets. Les enseignants les guident vers un aspect de la réalité pour ensuite découvrir surtout pourquoi les théories existent et comment on les applique à tout ce qui les entoure. Les mathématiques sont donc considérées comme des outils de travail servant à vérifier sur place, certains postulats de base et non simplement des formules abstraites dont l’importance de les apprendre, ne sera comprise que beaucoup plus tard dans la vie.

Dans le cinquième village, ce sera au tour des étudiants d’enseigner ce qu’ils savent à des Maîtres dont l’air distrait les laissent supposer que ceux-ci ne comprennent rien à ce que leurs professeurs tentent de leur expliquer. Le but est de savoir justement où en sont les enfants dans leur cheminement scolaire et surtout s’ils font confiance à leur perception sur tel ou tel sujet. Plutôt que réciter des leçons, ils font la classe. Au sixième village, les enfants apprendront à développer leur mémoire car les maîtres offrent à chaque élève un petit terrain sur lequel il doit imaginer une maison, un immeuble ou même un jardin. L’enfant doit pouvoir se rappeler tous les détails de ce qui se trouvent sur son terrain. Ensuite, il ira visiter ses voisins et tentera de mémoriser la différence avec ceux construits sur les autres lopins de terre. Finalement, un enseignant visitera le village fictif en compagnie d’un enfant qui le guide en lui décrivant tout ce qu’il voit. L’étudiant se sert d’un mot-clé pour se rappeler les items qui sont supposés se trouver sur chaque terrain.

Finalement, c’est le septième village qui intéresse le plus les enfants car dans celui-ci, ils doivent y imiter les Grands-Prêtres, les Croucounains, les Connients, les vignerons, les artisans, leurs parents, les animaux, les insectes, les oiseaux et même s’imiter entre eux. Le but de ces jeux consiste principalement à pouvoir se mettre dans la peau d’un autre car si un étudiant doit se prendre pour un Grand-Prêtre, il comprendra davantage sa préoccupation lorsqu’il devra s’assurer de maintenir l’harmonie autour de lui. En ce qui concerne les sports, la natation en demeure toujours le plus populaire ainsi que la course contre les renards. Les goupils aiment jouer pour jouer et gagner pour eux est d’entraîner les enfants à courir car ils savent très bien qu’ils peuvent semer leurs concurrents très facilement.

Les enfants sont devenus tellement curieux de nature avec le temps que certains se sont même permis de s’aventurer dans le ravin qui protège le Mont Bellapar. Aussitôt les Grands-Maîtres lumineux se sont dit que les jeunes générations n’ont plus à les craindre comme autrefois, et surtout, pourquoi nier leur présence positive lorsque le danger n’existe plus pour eux. Alors, ils ont demandé aux deux serpents protecteurs de saisir délicatement par la taille les jeunes intrus et de les conduire au sommet de la montagne où ces puissants Maîtres transformèrent l’un des versants en une véritable glissade d’eau dont la chute excitante se termine invariablement dans la rivière Eméraudia. Depuis ce jour, quiconque s’aventure dans le ravin est assuré de se retrouver devant cette fameuse glissade qui ne présente plus aucun danger puisque sa pente en forme de tire-bouchon assure une vitesse constante sans que son utilisateur ait à freiner sa descente. Cette glissade attire également les Grands-Prêtres et les Croucounains. Dès lors, les serpents ailés sont devenus malgré eux des remonte-pente.

Cette glissade a créé des liens car les jeunes Arkariens maintenant croient fermement que les Grands-Maîtres sont leurs protecteurs sur cette planète. Ils viennent leur parler et à chaque fois, les boules de cristal s’éclairent pour leur faire comprendre que les Maîtres ont bien entendu leurs prières. Certains enfants leur demandent même s’ils peuvent réparer leurs jouets et sont souvent exaucés. Il faut dire que depuis le départ de Dorgon, le peuple recherche toujours un protecteur. Les Grands-Maîtres comprennent si bien leurs besoins, qu’ils manifestent leur présence même s’ils demeurent invisibles. C’est pour cela que plusieurs Arkariens leur donnent le joli nom : Maîtres de l’invisible. Ils sont partout sur la planète et interviennent uniquement s’ils considèrent que leurs pouvoirs sont vraiment nécessaires. Normalement, ils se contentent de guider les Grands-Prêtres ou le peuple d’une façon si discrète qu’il devient souvent impossible de savoir si tel événement a été provoqué par eux ou par le Maître du destin.

Depuis que Lemu est devenu un Grand-Maître lumineux, c’est Phardate qui dirige les Grands-Prêtres. Il n’utilise plus le terme de « Ordre » des Grands-Prêtres , mais plutôt « Fraternité » puisqu’il considère que tout Arkarien de bonne volonté est un religieux de nature. Il refuse également de créer des institutions religieuses afin d’éviter que les Grands-Prêtres soient perçus comme des fonctionnaires qui ferait d’eux, des techniciens de la vie spirituelle. Ils sont des marcheurs qui s’arrêtent partout pour jaser avec ceux et celles qui les considèrent à présent comme des sages. Il faut dire qu’Alba n’est plus là avec sa fichue secte pour semer la division comme autrefois. Une véritable métamorphose spirituelle et sociale a finalement ouvert l’esprit des Paysans qui s’intéressent à tout, incluant les mœurs et coutumes des Connients. Ils vivent toujours dans leurs villages respectifs sauf qu’il n’est pas rare à présent de voir les deux races se visiter. Puis, les géants ne travaillent plus à la carrière depuis la mort de Baa-Bouk. Ils sont tisserands, teinturiers et même marchands ambulants. Ils échangent leurs jolis tapis contre des meubles, et fabriquent également des couvre-lits qui font partie du décor depuis que les Paysans doivent dormir.

Les conteurs sont encore plus appréciés qu’autrefois depuis qu’ils ont ajouté une foule d’histoires terriennes à leurs récits. Évidemment, c’est Primus Tasal qui leur confie ces jolis contes et légendes lorsqu’il visite son ami Phardate et le Maître du destin. Le singe va également rencontrer secrètement les Grands-Prêtres sous la pyramide où l’on y discute surtout des survivants qui se trouvent en Atlantide. Parmi les conteurs du pays, se trouve à présent Gerbin, l’ancien contremaître de la carrière. Personne n’est surpris par sa nomination sauf que plusieurs se demandent pourquoi sa tunique est blanche et noire comme l’ancien nom de la secte d’Alba. En réalité, celui qui se fait appeler Midinibus n’a aucun lien direct ou indirect avec cette secte de malheur. Il est l’historien de la Vérité car il recherche constamment ce qui est le vrai et le faux en toute chose. Le blanc est la vérité et le noir est le mensonge. Midinibus a donc voulu que sa tunique exprime visuellement cette dualité afin de prouver que le bon et le mauvais coexistent qu’on le veuille ou non. Ce conteur est l’un des rares historiens qui voyage même de nuit puisqu’il aime connaître les secrets qui se cachent dans la noirceur et ceux qui apparaissent à la lumière du jour. Il ne faut pas oublier qu’il fut l’un des élèves du célèbre Adiech, le Grand-Maître de la Conscience Éveillée. Celui-ci l’avait d’ailleurs comparé à un papillon blanc et noir. Midinibus affirme rarement qui a tord ou raison car il sait qu’il est trop facile de se tromper dès que l’on porte un jugement de valeur. Depuis le départ d’Anak, le géant Gad vient régulièrement s’entretenir avec ce conteur, non seulement à cause des liens d’amitié entre l’ancien contremaître et les Connients, mais surtout à cause de ses idées. Gad sait que Midinibus se sent très près des fautifs et qu’il s’inquiète énormément pour ceux qui se font appeler les Atlantes par Primus Tasal. Dès qu’il arrive à obtenir des nouvelles d’eux, il ne tarde pas à en informer Gad si évidemment le Maître du destin ne lui a pas demandé de garder le secret sur certaines réalités.

Il est vrai que la vie n’est pas facile pour les survivants de la cité car ceux-ci doivent s’adapter à vivre à présent, toujours avec le même corps, en Atlantide parmi les humains dont les mœurs sont si différents des leurs et ce, dans une réalité tout à fait différente de celle de leur planète. De tous les Arkariens, ils ont été les seuls à survivre au désastre et à voyager avec leurs enveloppes charnelles dans le couloir intemporel. De plus, il ne faut pas perdre de vue qu’ils ont déjà dû s’adapter auparavant à un tout nouveau mode de vie dans la Cité de verre. De plus, aux yeux des Terriens, ils sont réellement considérés comme des extra terrestres qui les trouvent étranges. Midinibus a raison de s’inquiéter à propos des fautifs qui se sentent vraiment étrangers sur Terre car ceux-ci ont à réorganiser leur vie dans un monde où les habitants se livrent à des combats sans merci en invoquant toutes sortes d’excuses pour justifier leur comportement. Le Grand-Prêtre Adep aimerait bien pouvoir vivre en harmonie comme voisin de deux grandes tribus qui peuplent la presqu’île mais n’y parvient pas car celle des géants fuit les étrangers qu’ils prennent pour des dieux venus défier leurs déesses de la fertilité du sol. Les indigènes eux, se sont aperçus qu’ils étaient agriculteurs comme eux et s’imaginent à tort que les Atlantes sont intéressés à s’allier avec leurs ennemis qui vivent le long des côtes. Il est vrai que les pêcheurs ont clairement signifié être disposés à fraterniser avec les étrangers si ceux-ci acceptent de les aider à se débarrasser des géants. En somme, les Atlantes se retrouvent coincés entre deux tribus rivales et décident de se protéger à leur façon, en s’entourant de hauts murs comme sur Arkara avec l’enclos, sauf qu’ici ce sont eux qui sont complètement entourés. Dans de telles conditions, ils se sentent prisonniers dans leur forteresse, exactement comme l’était jadis Baa-Bouk. De plus, les Atlantes ont eu à se défendre à quelques reprises contre les géants qui étaient intéressés par leurs buffles. Puis, comble de malchance, le seigneur Alba semble avoir étrangement retrouvé la raison juste à ce moment précis où le peuple est déçu par un tel accueil et ne tarde pas à créer la division au sein de cette frêle communauté. Il laisse sous-entendre à qui veut le croire parmi les survivants, que Primus Tasal savait pertinemment bien que les indigènes et les pêcheurs ne les accepteraient pas sur leurs terres. Il précise aussi que son geste visait probablement à se débarrasser tout simplement des anciens fautifs en les conduisant à cet endroit plutôt qu’à un autre. Cette affirmation mensongère et grotesque de la part d’un être aussi intelligent qu’Alba oblige Kana à intervenir rapidement car il s’aperçoit que ce dernier a repris ses anciennes habitudes tout en sachant très bien quel en sera l’effet. Il demande alors à la communauté d’enfermer cette langue de vipère dans une tour afin de l’éloigner du peuple; le prophète possède maintenant une forte crédibilité sur les survivants de l’ancienne cité de verre et n’hésite pas à s’en servir cette fois-ci dans le but de les protéger contre le divisionnaire.

Dès que le seigneur Alba est enfermé dans sa tour, la veuve de Mercéür demande à rencontrer Kana. Elle lui avoue alors avoir terriblement peur du dirigeant de la secte « Blanc et Noir. » Rosia ajoute que son époux lui a révélé certains secrets le jour précédant la terrible catastrophe et il a même insisté pour que leur fils Atlantin soit protégé de cette bête. Il lui a prédit que ce dernier tentera probablement un jour ou l’autre, de l’utiliser comme donneur s’il pense que le sang qui coule dans les veines de son fils puisse être aussi magique que celui de son père. Pour Kana, les craintes de Rosia justifient sa protection même s’il n’a pas la preuve que cette secte existe toujours. Il demande aussitôt à ses parents d’accueillir à la maison Rosia et son fils de deux ans. Adamas et Gracia sont très heureux de s’occuper de la veuve et de l’orphelin. C’est tout ce qu’ils peuvent faire pour remercier Mercéür d’avoir protégé leur fils lorsque celui-ci avait à entrer et à sortir discrètement dans la cité de verre. Anak est mis au courant par son frère des craintes de Rosia et possède enfin la preuve que ce fichu Alba est le dirigeant de cette secte. Cette vérité le laisse songeur car le jumeau de Kana vient à peine d’hériter du poste de Superviseur de la petite cité de Lemu. Il a tenté de refuser ce poste au début mais son frère lui a fait comprendre que la meilleure façon de se protéger contre Alba est justement de prendre en main la supervision de la cité ainsi nommée unanimement par la communauté en mémoire du guide des fautifs. Anak n’aime vraiment pas gouverner mais réalise qu’il se doit tout de même de maintenir ce dangereux personnage en retrait dans sa tour jusqu’au moment où les anciens fautifs l’auront finalement oublié.

Les indigènes et les pêcheurs gardent une certaine distance depuis qu’ils ont réalisé que les Atlantes possèdent toutes sortes d’inventions fascinantes. Pour eux, les murs de maçonnerie dont les blocs sont parfaitement alignés dépassent toutes les connaissances connues à ce jour dans le domaine de la construction. Puis les hautes tours sur lesquelles sont juchés d’immenses miroirs ont de quoi leur faire perdre l’envie de s’approcher de la cité. En effet, les Atlantes ont installé sur les tours de gardes une série de miroirs gigantesques taillés en forme de prisme qui agissent exactement comme des loupes d’une grande puissance. Les indigènes n’ont jamais vu de miroir de leur vie alors, voir ces objets refléter au soleil les inquiètent beaucoup. Cependant, ceux-ci ont été intrigués davantage par une grosse roue qui tourne lentement grâce à l’eau d’une petite chute. Sur chaque palette de bois se trouve une chaudière qui bascule d’elle-même dans un genre d’aqueduc dès qu’elle atteint le sommet de la roue. Ce système s’avère être très pratique pour fournir de l’eau à la cité malgré sa grande simplicité. Les survivants possèdent également des canaux d’irrigation pour les champs qu’ils cultivent depuis peu. Aussi, afin de mieux se protéger, ils ont creusé des tranchées tout autour du terrain dans le but de faciliter leur fuite vers la cité en cas de danger. Toutefois, la plus grande menace qui les guette n’est pas nécessairement une attaque surprise des indigènes ou même des pêcheurs mais plutôt d’avoir à vivre un isolement dont leur vie d’antan ne les a guère préparés à supporter. Même si personne ne croit que Primus Tasal a voulu les abandonner en choisissant cet endroit, le seigneur Alba a quand même réussi à semer le doute et à diviser les opinions bien qu’il semble demeurer sagement dans sa tour. Le problème vient de son gardien, très naïf de nature qui se laisse facilement influencer par celui qui se dit victime de ses propres fidèles puisqu’il a avoué de lui-même, avoir été la tête dirigeante de l’ancienne secte sur Arkara. Le divisionnaire sait fort bien manipuler le mensonge au point qu’un tel aveu de sa part va surtout lui assurer une certaine crédibilité lorsqu’il affirmera ensuite que Mercéür fut évidemment l’un de ses principaux collaborateurs, ainsi que Toppus, le frère aîné du Grand-Prêtre Adep. Alba ose même salir la réputation de ce fervent religieux en prétendant s’être fait offrir quelques faveurs amoureuses par ce pauvre passionné qui n’avait vraiment pas la vocation et la force de caractère de Lemu. Le gardien ébranlé par de tels propos empoisonnés se sauve d’Alba dès que celui-ci lui demande si c’est Adep qui a eu le courage d’ordonner la détention de celui qui fut son amant, ou si c’est plutôt Kana qui s’est vu forcé de prendre une telle décision à sa place? Le mal que vient de faire le divisionnaire dans cette communauté déjà très fragile a de terribles conséquences car ce menteur vient de ternir la réputation du Grand-Prêtre qui se dévoue corps et âme pour les citadins. Le gardien est scandalisé et tente de répandre ces affreuses calomnies lorsqu’ Anak le saisit par le collet en lui demandant s’il est un sot naturel ou plutôt une petite cervelle incapable de se rappeler le mal qu’Alba et Myotis ont fait en provoquant la destruction de la cité de verre ? Pétrifié, le pauvre homme se met à pleurer et le nouveau Superviseur le relâche aussitôt en secouant tristement la tête. Il n’est pas naïf pour s’imaginer que tous les Atlantes sont assez matures et honnêtes pour saisir les intentions malhonnêtes du divisionnaire. Un faible préfère croire un menteur lorsque cela lui procure ce plaisir de dévaloriser un plus fort que lui au point d’en arriver à ce sentiment de pouvoir en être enfin devenu son égal ou son justicier.

Primus Tasal vient visiter les Atlantes et ressent déjà qu’une division s’installe au sein de cette petite colonie. Il constate que le moral des survivants vacille et sait que cela risque de devenir inquiétant. Alors, il décide de tenter de leur faire comprendre pourquoi il a choisi cet endroit précis sur la planète. Il leur affirme que celle-ci offre une certaine discrétion pour deux raisons principales : c’est une presqu’île qui limite les rencontres. Ensuite, parce que les deux peuples principaux se font la guerre, cela facilite l’intimité dans un monde archaïque. Il faut dire que faire apparaître des Arkariens à cette époque terrestre aurait pu provoquer certains chaos. Cependant, les Atlantes sont encore incapables de comprendre le concept du développement de civilisations et que plusieurs sociétés existent déjà sur cette planète. Enfin, l’expression « monde archaïque » ne veut rien dire pour eux. Mais il est essentiel que le message importe de leur faire réaliser que Primus Tasal ne pouvait se permettre de faire apparaître ces extra-terrestres à des époques où leur présence aurait éveillé une telle méfiance basée sur l’incompréhension de la part des Terriens. De ce fait, ils n’auraient eu aucune chance de s’établir en paix sur cette planète; leur vie actuelle n’en est-elle pas la preuve évidente? Leur cas est bien différent des victimes de la cité de verre qui auront la chance de s’incarner un peu partout à travers l’histoire puisqu’ils seront Terriens de naissance et dont l’éveil graduel ne perturbera pas trop la civilisation en cours. Mais pour préparer leur route, Primus Tasal compte sur les Atlantes qui développeront une civilisation où la science et la sagesse serviront d’exemple aux Terriens et permettra l’accueil des fautifs. C’est du moins ce que souhaite le petit singe au plus profond de son cœur. Déjà, les survivants ont prouvé qu’ils sont ingénieux en créant des miroirs capables de capter la lumière solaire et même de s’en servir pour se défendre en cas de besoin. Ils seront bientôt aptes à canaliser des rayons grâce à du cristal et du métal rouge qui se trouve uniquement sur cette presqu’île. Il brille comme du feu et porte le joli nom de «pierre d’oricalque. » Les Atlantes sont des génies naturels qui se débrouillent fort bien depuis qu’ils ont appris à survivre. L’important pour eux sera donc de vraiment comprendre finalement que Primus Tasal les a privilégiés en les conduisant sur ce continent où déjà les habitants actuels les craignent suffisamment pour garder une distance respectable. Puis, le fait de savoir qu’il n’existe aucune époque sur Terre où l’Homme ne s’est pas méfié de ses semblables a bien obligé le singe à faire un choix quelque part.

Le petit voyageur quitte la cité atlante et fait joyeusement rouler sa jolie bille sur un sentier qui serpente un champ de blé. Il ne tarde pas à être rejoint par deux paysans qui lui disent vouloir lui parler. Par instinct, le singe refuse de s’arrêter car il pressent déjà un malheur. Mais il n’en a pas fini avec eux car il atterrit à toute allure face à un troisième inconnu qui lui jette rapidement un filet sur la tête dans le but de l’emprisonner entièrement dans le piège. Ses deux complices s’agenouillent aussitôt devant la bille magique en riant de voir Primus Tasal piquer du nez à quelques mètres seulement de son trésor miniature. Il hurle d’horreur lorsqu’il voit ces membres de la secte introduire de nombreuses aiguilles empoisonnées dans sa pauvre planète magique. Ils s’amusent même à faire rouler rapidement la boule pour l’obliger à leur offrir différentes époques terrestres et parviennent malheureusement à introduire quelques poils de Baa-Bouk un peu partout lorsqu’une intense lumière surgit devant eux et les foudroie sur place. Puis, la lueur emprunte l’apparence d’un corps lumineux dont l’aura est tellement intense que le seul témoin de la scène est convaincu être en présence du Maître du destin. Cependant, la voix qui déclare que les Atlantes perdent leur temps à vouloir maintenir Alba dans sa tour et se trompent s’ils croient s’en débarrasser ainsi ne semble pas appartenir à celui-ci. La voix précise que ce personnage est malheureusement devenu immortel à la suite d’une erreur commise par la naïveté d’un pauvre vigneron. Alors, toutes les mailles de la prison se sont défaites d’elles-mêmes. Même si le spectre lumineux a refusé de s’identifier, Primus Tasal sait parfaitement qu’il doit sa libération à Mercéür. Il ignore où se trouve cette puissante Entité dans l’univers mais cet être immortel est venu avouer lui-même à sa façon à quel point il se sentait coupable d’avoir rendu Alba immortel. Le spectre s’évanouit et le singe s’empresse de retirer au plus vite toutes les saletés monstrueuses que ces mécréants ont pris plaisir à introduire dans sa planète miniature tout en sachant très bien que le poison a jeté un mauvais sort aux Terriens.

Par cette attaque surprise, la secte d’Alba vient de prouver qu’elle existe toujours et ne se gêne pas pour intervenir lorsqu’il s’agit de satisfaire ses plans. Ils ont aussi prouvé être très bien organisés vu la rapidité de l’agression car, comme à son habitude, Primus Tasal est arrivé soudainement parmi les Atlantes. D’ailleurs, il décide de retourner très discrètement dans la cité pendant la nuit pour s’entretenir avec le Grand-Prêtre Adep, qui réveille Kana et Anak pour une réunion spéciale où Primus Tasal veut les informer des tristes événements dont il fut victime et surtout des dommages terribles que cela risque de provoquer sur Terre. Il sait que Rosia dort dans l’une des pièces voisines et parle à voix basse pour raconter comment Mercéür est venu le libérer. La pauvre veuve s’attristerait d’avoir perdu l’unique occasion de revoir son ancien époux même si logiquement une Entité ne sens plus aucun lien de parenté avec les êtres en chairs et en os une fois qu’elle a quitté son corps physique. De plus, son ancienne épouse ignore surtout que Mercéür est en réalité le frère du Cœur royal, du Maître du destin et même de Ba-Fon qui n’a pas encore fait son entrée parmi les siens et vit encore dans les eaux pour l’instant. Kana opine lentement de la tête d’un signe affirmatif lorsque le singe lui demande s’il savait que ce fichu Alba obligeait son fils adoptif à lui offrir fréquemment une goutte de son sang? Il avoue cependant qu’il n’était pas en son pouvoir d’intervenir à cette époque; d’ailleurs, qui en aurait été capable? Et maintenant, que faire devant l’amère réalité où personne ne peut empêcher l’ancien seigneur fruitier de profiter de son immortalité. Il est d’ailleurs convaincu que ce monstre se moque totalement de sa détention. Il sait très bien en son for intérieur, que tous les autres fautifs disparaîtront sans avoir pu se réjouir de le voir mort et enterré. Ce qu’il trouve le plus triste dans tout cela, c’est de savoir qu’un être aussi destructeur possède encore autant de crédibilité dans la communauté malgré toutes les preuves de sa culpabilité ; il semble que le peuple est loin d’accepter la réalité. Le Grand-Prêtre Adep lui répond que cela n’arriverait pas si les citadins plaçaient leur confiance dans la valeur d’un être plutôt que de juger sur de beaux discours. Ils se sentent tellement flattés de paraître supérieur dans leur intelligence en répétant n’importe quoi et en croyant Alba, qu’ils s’imaginent être des gagnants et des meneurs en puissance. En fait, il apparaît plus facile pour un peuple de suivre la vague que de se savoir à l’index. Encore incapables d’assumer leur liberté, ils vendent celle-ci moyennant la sécurité qu’on leur promet comme on vendrait son âme. Anak se demande de son côté si le fait de détenir Alba dans sa tour ne fait que retarder le moment où les citadins le suivront de nouveau comme des brebis qu’on amène à l’abattoir; comment peuvent-ils se laisser influencer autant par sa langue de vipère? Son frère lui répond que c’est le temps qui le dira.

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